Arrêt du 2 octobre 2025 – Cour d’appel de Paris, RG n°25/02502
Le 2 octobre 2025, la Cour d’appel de Paris a rappelé les contours du droit d’accès des salariés à leurs données personnelles lorsqu’elles sont contenues dans leurs outils professionnels (messagerie, Teams, fichiers, etc.).
Dans cette affaire, un ancien salarié avait demandé la communication de l’ensemble de ses données professionnelles, notamment les messages de sa messagerie Outlook, ses échanges via Teams, ses agendas et ses horaires de connexion informatique.
L’entreprise avait transmis un fichier PDF de 5 395 pages. La Cour est venue préciser ce qui relève réellement des données personnelles et ce qui ne relève pas du droit d’accès.
Un droit d’accès exercé après le départ du salarié
L’ancien salarié réclamait la transmission intégrale des informations le concernant contenues dans :
- ses messageries professionnelles Outlook et Teams,
- ses agendas Outlook,
- ses horaires de connexion informatique,
- les historiques d’utilisation d’outils internes.
L’entreprise avait fourni un fichier volumineux. Mais le salarié contestait la lisibilité et l’exhaustivité de la communication.
Ce que décide la Cour
La Cour rappelle d’abord que le droit d’accès (article 15 du RGPD) vise uniquement les données personnelles, c’est-à-dire les données permettant d’identifier directement ou indirectement le salarié.
Elle distingue donc :
-
Ce qui constitue une donnée personnelle à communiquer :
→ le contenu des messages envoyés et reçus via Outlook et Teams, sur une période déterminée, car ils peuvent contenir des informations relatives au salarié. -
Ce qui ne constitue pas une donnée personnelle :
→ les agendas Outlook, car ils ne reflètent pas nécessairement des informations sur la personne mais plutôt l’organisation du travail ;
→ les heures de connexion au poste de travail, qui ne renvoient pas à une donnée personnelle protégée au sens strict, dans le cadre de cette demande.
Ainsi, la Cour ordonne à l’entreprise de communiquer uniquement le contenu des messages Outlook et Teams pour la période du 1er janvier 2024 au 8 octobre 2024, hors pièces jointes.
Les autres demandes sont rejetées.
Un point essentiel : la communication est limitée à l’usage judiciaire
La Cour rappelle aux parties que les documents transmis ne peuvent être utilisés que dans le cadre de la procédure judiciaire en cours.
Il est interdit au salarié comme à l’employeur d’en faire un usage externe ou public.
Ce que doivent retenir les dirigeants et responsables RH
Cette décision apporte des clarifications utiles :
- Le droit d’accès n’est pas un droit d’accès total.
Le salarié ne peut pas exiger l’extraction brute de tous les systèmes de l’entreprise. - Le filtre de la “donnée personnelle” est essentiel.
Seules les informations permettant d’identifier le salarié sont concernées. - La période demandée doit être proportionnée.
Une demande trop large peut être limitée par le juge. - L’entreprise doit être organisée pour retrouver et extraire les données.
Des procédures internes doivent exister avant que la demande ne survienne.
Les bonnes pratiques à mettre en place
Pour éviter les litiges et les surcharges administratives :
- Documenter un process interne de réponse aux demandes RGPD des salariés.
- Définir une politique claire d’usage de la messagerie professionnelle (pas d’usage personnel).
- Mettre en place des outils d’archivage et de recherche pour extraire efficacement les données.
- Former les RH, managers et DPO à l’instruction des demandes d’accès.
Conclusion : un cadre plus clair pour les entreprises
Cette décision confirme que le droit d’accès est un droit important, mais pas illimité.
Les dirigeants doivent être en mesure d’y répondre correctement, sans sur-transmettre ni refuser abusivement.


