Introduction
Le 21 mai 2025, la chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé la validité d’un licenciement pour faute grave, fondé sur des images de vidéosurveillance prises dans un aéroport (arrêt n° 22-19.925). Cette décision marque une étape importante en matière d’articulation entre droit du travail et protection des données personnelles.
L’usage de la vidéosurveillance à des fins disciplinaires est licite, dès lors que le RGPD est rigoureusement respecté.
Un contexte professionnel sensible
Des faits filmés sur le lieu de travail
Un opérateur de sûreté aéroportuaire chargé du contrôle aux rayons X des bagages cabine a été licencié après que des images de vidéosurveillance ont révélé une faute professionnelle grave. Le manquement professionnel consistait spécifiquement à ne pas avoir respecté le protocole de contrôle des bagages, en engageant une conversation avec un passager au lieu de surveiller les écrans de contrôle. L’employeur s’est appuyé sur ces enregistrements pour engager une procédure disciplinaire.
Une procédure contestée par le salarié
Le salarié a contesté l’usage des images, arguant que cela violait le RGPD et ses droits à la vie privée. L’affaire a été portée devant la cour d’appel, puis la Cour de cassation.
Un traitement conforme au RGPD
Respect des obligations légales
La juridiction a confirmé que le système respectait les exigences légales :
- Le traitement était documenté dans le registre des traitements (la notion de “déclaration à la CNIL” étant obsolète depuis l’entrée en vigueur du RGPD en 2018) ;
- Le personnel avait été informé de son existence de manière complète, incluant les finalités du traitement, la durée de conservation des images, l’identité du responsable de traitement, et les droits des personnes concernées ;
- L’installation avait reçu l’autorisation préfectorale nécessaire pour les lieux ouverts au public.
Ces conditions sont prévues par le RGPD et le Code du travail.
Transparence et finalité justifiée
La finalité de la vidéosurveillance était connue : assurer la sécurité des biens et des personnes. L’utilisation des images à des fins disciplinaires est possible si cette finalité est compatible avec l’objectif de preuve. L’employeur n’a pas utilisé ces images de manière détournée.
Équilibre entre preuve et droits du salarié
Les droits du salarié ont été respectés dans cette affaire :
- La Cour de cassation a validé l’utilisation des images, car le traitement était compatible avec la finalité initiale (sécurité) ;
- Le salarié avait été informé de l’existence du dispositif et de son droit d’accès aux enregistrements le concernant ;
- Il a pu consulter les images et faire valoir sa défense ;
- La durée de conservation des images était limitée (cinq jours dans le cas d’espèce) ;
- La procédure a été jugée loyale et proportionnée.
Une jurisprudence structurante
Le rôle du RGPD dans le droit disciplinaire
Cette décision s’inscrit dans une série de jurisprudences récentes sur la surveillance des salariés. Elle montre que le RGPD ne fait pas obstacle à l’usage de la vidéosurveillance pour sanctionner un salarié, dès lors que :
- Les règles de transparence sont respectées ;
- La durée de conservation est maîtrisée ;
- L’utilisation est justifiée et proportionnée.
La Cour précise que l’utilisation de moyens de preuve issus de la vidéosurveillance est licite si les données ont été collectées pour des finalités déterminées et légitimes, et que leur traitement ultérieur est compatible avec ces finalités.
Des implications pour les employeurs
Les entreprises doivent respecter plusieurs obligations :
- Informer clairement les salariés des dispositifs installés ;
- Justifier leur usage en cas de procédure disciplinaire ;
- Tenir un registre des traitements incluant la vidéosurveillance ;
- Respecter les zones interdites à la vidéosurveillance : les caméras ne doivent pas filmer les salariés sur leur poste de travail (sauf circonstances particulières), ni les zones de pause, toilettes ou locaux syndicaux.
Sanctions en cas de non-respect
En cas de non-respect des règles, la CNIL peut prononcer des amendes importantes, pouvant aller jusqu’à 40 000 euros selon les décisions récentes.
Distinction terminologique importante
Il convient de clarifier la différence entre vidéosurveillance et vidéoprotection[1] : le terme “vidéoprotection” est généralement utilisé pour les dispositifs installés sur la voie publique, tandis que “vidéosurveillance” s’applique aux lieux privés.
Points clés à retenir
L’utilisation disciplinaire des images de vidéosurveillance est possible, mais sous conditions strictes de transparence, de finalité légitime et de respect des droits des personnes.
Conclusion
La Cour de cassation a confirmé qu’un licenciement peut être fondé sur des images de vidéosurveillance, si le système respecte la réglementation en vigueur, que les salariés sont correctement informés, et que les droits du salarié sont respectés. Le RGPD ne s’oppose pas à cet usage, tant que toutes les conditions légales sont réunies.